LUDOVIC CHORGNON
L’Enduroman d’Endura
ENDUROMAN #29
De l’Arch à l’Arc. De Londres à Paris. Courir de Londres à Douvres. Nager entre Douvres et Calais. Rouler de Calais à Paris. 140 km. 34 km. 291 km. Peu importe l’ordre des épreuves, l’Enduroman est une course extrême, un triathlon sans commune mesure. C’est aussi une course aux variables incontrôlables. Les capitales sont des villes où il est difficile de circuler, sont encombrées de trafic et en proie à la pollution. Les traversées de la Manche à la nage sont rarement simples et, avec une nage dépendante des marées, ne sont jamais en ligne droite. Cela signifie-t-il que la partie vélo est la plus facile ? C’est possible, sauf que vous êtes partis depuis plus 40 heures au moment où vous montez sur le vélo.
Cette épreuve est si difficile que seulement une poignée d’ultra-athlètes ont terminé le défi depuis sa création en 2001. Beaucoup ont échoué et un concurrent malheureux, Douglas Waymark, est décédé lors de sa tentative.
Le français Ludovic Chorgnon avait pour but d’être #29. Un vétéran aux multiples courses ultra et extrêmes. Ses résultats sont tout simplement remarquables – une liste interminable de courses brutales. L’Ultramarathon de Badwater – surnommé la course à pied plus difficile. Le Marathon des Sables – une course de six jours au travers le désert du Sahara. L’Himal Race - 900 km entre le Tibet et le Népal. La liste est longue...
Ludovic est probablement plus connu pour avoir enchaîné une série des triathlons sur distance Ironman en 2005, ce qui lui a valu une place dans le Guinness World Records. Entre le 1er juillet et le 10 août 2015, Ludovic a complété 41 (quarante et un) triathlons longue distance – c’est 3,8 km de natation, 180,2 km de vélo et un marathon pour finir- tous les jours. Au total, le Défi41 l’a vu cumuler 155,8 km de natation, 7380 km de vélo et 1730 km de course à pied.
Compte tenu de leur expertise dans les vêtements cycliste aérodynamique et de la supériorité de leur combinaison tri ayant battu le record du monde, Endura était le partenaire tout indiqué et a été ravi de soutenir Ludovic sur sa tentative d’Enduroman. Ils l’ont suivi par le biais de son tracker, alors qu’il prenait le départ sous la Marble Arch à Londres jeudi dernier et l’ont regardé finir avec émerveillement chaque partie de la course:
De Londres à Douvres – 16 h 25 min / T1 6 h 24 min
De Douvres à Calais – 18 h 56 min / T2 4 h 55 min
De Calais à Paris – 13 h 59 min
Temps Total – 60 h 39 min
Ludovic n’est pas seulement devenu le 29ème Enduroman, il a terminé avec le deuxième temps le plus rapide de l’histoire. Bravo Ludovic!
Comment vous entrainez-vous pour une course aussi extrême que l’Arch to Arc?
Contrairement à ce que tout le monde pense, ce n’est pas l’entrainement sportif qui permet de faire ce genre d’épreuve, bien sûr c’est indispensable, mais en fait moi je ne m’autorise aucun SPOF, Single Point Of Failure, tu peux être super entrainé si tu as une faiblesse au niveau alimentaire, si tu as une faiblesse au niveau articulaire, si tu as une faiblesse dans quoi que ce soit tu peux tout mettre en échec à cause de ça. Je travaille sur la transversalité de l’entrainement, j’ai fait beaucoup de musculation, j’ai travaillé sur mes postures, pour m’économiser en courses à pieds j’ai travaillé sur mes postures pour m’assouplir avec une danseuse professionnelle, j’ai travaillé sur l’alimentation non pas compléter mais pour éviter d’arriver à un déficit à un moment. Je vais voir mon kinésithérapeute toutes les semaines et il sait si à un moment j’ai une douleur ou une tension. J’ai travaillé la technique de nage plus que sur le volume de natation, comment rendre les mouvements efficaces plutôt que de chercher à en faire de plus en plus.
On peut se demander comment un corps peut accepter des efforts répétés pendant aussi longtemps, plus de 13-14 heures voire même plus de 18 heures pour la partie nage… Ton corps comme le mien peut le faire. Quand tu as appris à marcher tu as répété dix fois de marcher 2 mètres entre deux meubles et puis après c’est devenu simple, et après tu as répété dix fois, vingt fois de traverser la pièce, et moi il y a tellement longtemps que je cours, que 40 bornes je les fais un jour sur deux si tu veux, 40, 50, 100 c’est devenu aujourd’hui tellement courant pour moi que cela ne peut pas avoir d’impact.
“Quand tu as appris à marcher tu as répété dix fois de marcher 2 mètres entre deux meubles et puis après c’est devenu simple, et après tu as répété dix fois, vingt fois de traverser la pièce.”
Forcément tu ne passes pas du jour au lendemain d’un marathon à un défi comme celui-là. J’ai capitalisé sur mon expérience, j’ai quelques courses de 200, 400, 500, 900km derrière moi quand même, ça aide un peu. Dans la course à pied, j’ai beaucoup travaillé en amont sur ma posture et ma foulée pour la rendre la plus économique, me servir de mon énergie cinétique dans le mouvement, relancer le moins possible et en même temps éviter tout effort inutile ou consommateur.
J’ai tout fait sans chronomètre, juste aux sensations, sans jamais savoir où j’en étais et je leur avais dit le temps que j’allais faire. Cela s’est passé exactement comme j’avais prévu. La natation a été la partie la plus dure, je suis quelqu’un d’extrêmement pointilleux, j’ai le souci du détail, et j’ai besoin de cela pour avoir un sentiment de maîtrise. Quand je cours, mon inconscient me dit que tout va bien et je peux le vérifier, j’ai des repères. En mer, tu as zéro info, et j’ai fini par demander où est-ce qu’on en était, je ne voyais rien, il y avait du brouillard et je ne voyais pas les côtes françaises. Et finalement, le pilote a fini par me dire « bravo, tu es à 1.5 km » et là je me concentre sur mon allonge de bras, je nage plus vite, je savais que c’était presque fini, et finalement je me suis retrouvé à 3km de la fin au lieu des 1.5km. Une heure après, on me dit « allez, plus que 2km » Et là je le regarde étonné…
"Ça c’est mentalement très très dure, être capable de te dire continuellement je ne sais pas où j’en suis et de continuer, accepter de ne pas savoir, accepter de reculer, accepter que les éléments font ce qu’ils veulent avec moi."
J’étais fou de rage, j’avais reculé. Ça c’est mentalement très très dure, être capable de te dire continuellement je ne sais pas où j’en suis et de continuer, accepter de ne pas savoir, accepter de reculer, accepter que les éléments font ce qu’ils veulent avec moi. Tu ne peux pas faire un effort plus important d’une demi-heure ou d’une heure alors que tu ne sais pas ce qu’il va t’arriver. Alors que quand je suis en montagne par exemple, je sais très bien ce qu’il va se passer à 5000-6000m d’altitude, j’ai mon altimètre qui me donne toutes les infos qui me permettent de m’ajuster ; en mer tu n’as rien. La manche, c’est plus dur psychologiquement que physiquement.
Quelle a été votre plus grande peur lorsque vous approchiez de la ligne de départ à Londres la semaine dernière?
Aucune, j’étais sûre d’arriver. J’avais prévenu mon équipe sur le bateau, qu’à partir du moment où j’aurais mis un pied dans l’eau, je ne comprendrais et ne parlerais plus l’anglais, voulant dire que je ne comprendrais rien si jamais les juges-arbitres me disaient d’arrêter. Je les avais prévenus que quoi qu’il arrive je ne remonterais pas dans le bateau avant l’arrivée. Pas de peur, j’étais impatient et content de revivre l’aventure avec mon équipe et d’aller régler mes comptes avec La Manche.
Vous avez terminé beaucoup d’ultra-marathon, comment se comparent-t-ils à l’Arch to l’Arc?
Arch to Arc n’est pas ce que j’ai fait de plus dur, même si la traversée de La Manche a été difficile du fait de ne pas pouvoir avoir toutes les infos et de maîtriser et de gérer les efforts sans savoir. Plus on est à un haut niveau, plus on est dans la maîtrise et la connaissance de soi pour gérer un effort et La Manche ne le permet pas.
Quel est le meilleur conseil que vous avez reçu et qui a aidé votre carrière sportive?
Des conseils techniques, mais pas sur la gestion. J’ai plutôt construit mon expérience seul. Mais des conseils techniques, il y en a un que je prodigue et conseille aux autres, c’est d’être efficace, c’est primordial. Et bien souvent, et en tout cas pour ceux qui ont un tempérament comme le mien, on a plutôt envie de passer en force. Et l’année dernière pour ma première participation à Arch to Arc, j’étais prêt à mettre trois fois plus de mouvements de bras qu’il n’en fallait pour nager, alors cela ne sert à rien. Il faut savoir jouer avec les éléments. Technique propre est antinomique avec puissance maximale. La caricature typique qu’on fait de nous, c’est souvent de penser qu’on est des Rambo, qu’on va tout défoncer, alors c’est tout l’inverse, il faut beaucoup réfléchir, gérer, être fin dans l’effort, que ce soit en course à pied, en natation comme en vélo.
Quelle est votre prochain défi?
J’ai fait plus de 70 Ironman dans ma vie, mais sans jamais en faire un à fond, c’était toujours pour des entrainements pour d’autres courses. Alors je me dis qu’en 2019 j’en ferais peut-être un pour une fois, à fond pour chercher un chrono, aller faire les championnats du monde Ironman, ou sinon faire les championnats de déca-Ironman, et faire des ultras. Pour 2019 je vais me mettre des objectifs presque banals (rires…) et mieux me préparer pour 2020. 2020 ça va être énorme… et il y aura du vélo, alors on pourra surement faire des choses ensemble avec Endura et j’aurai peut-être des pistes de développement de produits… je pense que je pourrai t’en parler d’ici la fin de l’année.
"Pour 2019 je vais me mettre des objectifs presque banals..."
Encore merci à Endura pour les tenues, c’était juste énorme, tout tombe pile-poil, les tenues Endura sont vraiment bien intégrées, super confortables, et top qualité. Pendant la partie vélo, j’ai subis des variations de température importantes. En traversant la Picardie de nuit, j’étais dans le brouillard, avec une humidité terrible, il faisait froid, et avec la veste Pro SL Thermique j’étais bien. Dès qu’il a fait jour, j’ai remis la combinaison personnalisée, elle est vraiment super. J’avais testée les tenues Endura avant Arch to Arc, et j’étais plus que serin pour la course tellement les produits sont top.
Merci pour votre confiance.
Footnotes Interview: Simon Dawson, Traduction: Tony Roybier. Photos par Sean Hardy. Paris, France
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